Le Théâtre de l’Usine pleure son fondateur

Au petit matin du mercredi 18 novembre, l’emblématique metteur en scène et fondateur du
Théâtre de l’Usine (Eragny-sur-Oise) Hubert Jappelle a tiré sa révérence.
Pionnier du Festival off d’Avignon, Hubert Jappelle n’a cessé de défendre un théâtre populaire en direction de tous les publics. ©Dominique Chauvin

Fin de partie. La disparition de celui qui a fondé, il y a un peu plus de quarante ans, le Théâtre de l’Usine, à Eragny-sur-Oise, va laisser un grand vide derrière lui. Hubert Jappelle s’en est allé à l’âge de 82 ans, victime d’un arrêt cardiaque survenu dans son sommeil le mercredi 18 novembre. « Il s’est éteint et est parti tranquillement, explique sous le choc un membre de l’équipe du Théâtre de l’Usine au lendemain de sa mort. Cela nous parait très soudain parce qu’il était très actif, il gérait encore son atelier de comédie et avait plein de projets en cours dont sa pièce Georges Dandin qu’il devait présenter au théâtre en mars prochain. Il laisse derrière lui un grand vide mais aussi un patrimoine inestimable. » Personnalité éminente dans l’univers du spectacle, cet originaire de Lorraine s’est d’abord fait connaitre à Avignon dans les années 1970 à travers un travail de recherche sur la marionnette autour des œuvres de Beckett, de Strindberg ou encore de Kafka.

                     « Il laisse derrière lui (…) un patrimoine inestimable »

C’est lorsqu’il revêt la casquette de régisseur pour le Festival d’Avignon entre 1966 à 1968 qu’Hubert Jappelle, ancien étudiant aux Beaux-Arts, est bluffé par cette façon d’interpréter « avec ferveur, passion, simplicité, sincérité et sans snobisme ». Lui-aussi veut défendre ce théâtre transmettant fidèlement l’œuvre, que cela passe par le jeu d’acteurs ou bien par celui de simples marionnettes. « L’interprète, le metteur en scène, le comédien, le musicien, le professeur, le chef d’orchestre sont des transmetteurs, c’est notre responsabilité », résumait-il à sa façon. Et son travail est vite repéré. Il a notamment fait ses armes aux côtés de Jean Vilar en 1971 en participant au festival officiel où il monta de toute pièce une mise en scène pour marionnettes d’un petit opéra de Georges Aperghis puis
celle d’une œuvre de Maurice Ohana en 1978.
Passionné
Le Théâtre de l’Usine en deuil. ©Axelle Bichon

En 1975, sa troupe fut associée comme cellule de création au Centre d’action culturelle de Cergy-Pontoise et investit dans la foulée une ancienne papeterie perdue au milieu d’une friche industrielle d’Éragny-sur-Oise. C’est ainsi que naît le Théâtre de l’Usine. « C’était un maître, j’étais fan de lui, il faisait des spectacles délirants », le décrivait la comédienne et marionnettiste Bérengère Gilberton dans une interview réalisée en janvier 2019 en parlant de ses débuts dans la compagnie Hubert Jappelle. C’est une page de trente-deux ans de la vie du comédien Alain Gueneau qui se tourne aussi brutalement. « C’était quelqu’un d’exigeant. Ce qui m’intéressait dans son travail c’est qu’il ne cherchait pas forcément à se démarquer, c’est sa vision des œuvres qui le rendait original. Son anticonformisme était inconscient, confie-t-il. On se sent tous un peu orphelins, il donnait l’envie de découvrir toujours plus, de se cultiver. »

Sans concession
Marionnettiste, metteur en scène et comédien reconnu depuis longtemps au-delà des frontières françaises, Hubert Jappelle n’a jamais cessé de

L’affiche de la dernière création d’Hubert Jappelle autour de l’œuvre Georges Dandin, de Molière. ©Hubert Jappelle

défendre à travers son travail un théâtre populaire accessible à tous les publics. Il avait également le souci du détail. En plus de son travail de mise en scène, Hubert Jappelle réalisait également les affiches des pièces qu’il présentait. Ce qui rajoutait une touche d’originalité à la programmation du théâtre éragnien. « Se donner du mal pour les petites choses c’est parvenir aux grandes avec le temps. » Ces mots de Samuel Beckett refléteraient bien la pensée anticonformiste d’Hubert Jappelle.

Axelle BICHON