Depuis février dernier, le groupe Collages Féministes 95 lutte contre le sexisme dans l’agglomération de Cergy-Pontoise. Je les ai suivi·e·s lors d’une de leurs sorties nocturnes.

« Non, c’est non. » Il fait déjà nuit noire lorsqu’un petit groupe de colleur·euse·s se réunit en silence aux abords du lycée Alfred Kastler, à Cergy. Sept membres du groupe Collages Féministes 95 se sont retrouvés ce mercredi 9 septembre pour couvrir l’espace public de ces citations et slogans chocs de plus en plus aperçus dans les rues valdoisiennes. « Il faut attendre que la colle à papier peint gonfle », prévient Gwendolyne, une jeune femme trans rompue à l’exercice. En attendant que le matériel qu’elle utilise soit prêt à l’emploi, les

présentations sont faites car certains comme Alina, 37 ans, rejoignent le mouvement pour la première fois. « J’ai suivi le mouvement à Paris et j’ai été agréablement surprise de voir les collages arriver dans le Val-d’Oise », confie cette Cergyssoise.
Sans équivoque
Avant le départ, un rappel des risques encourus est effectué (l’affichage sauvage ou la destruction légère sont punis d’une amende pouvant atteindre les 1 500 euros) et les slogans, pour la plupart sans équivoque et peints en lettres noires ou rouges, sont passés au crible. « Nous devons agir vite donc avant de les coller, ils doivent tous être validés par chacun des membres présents », explique Louise, cette étudiante cergyssoise à l’origine du groupe avec son amie Emilie, une habitante d’Eaubonne. Toutes deux ont fait leurs années de lycées à Cergy et y ont fait l’expérience de la misogynie et du sexisme. « Ces messages nous concernent, nous avons toutes des histoires liées à des collages et en même temps, ils ont un écho énorme dans la rue, cela pousse certains à prendre la parole dans leur famille ou entre amis, souligne Emilie. On essaie de donner plus de place à ces sujets à travers les collages. Ça ne plait pas toujours mais c’est notre seul moyen d’action. »
« C’est notre seul moyen d’action. »
Collages Féministes 95 a ainsi vu le jour sur la plateforme Instagram à la suite de l’assemblée générale des colleur·euse·s de Paris qui s’est tenue en février dernier. « Il n’y avait pas de groupe actif dans le Val-d’Oise et on s’est dit qu’en banlieue aussi on pouvait relayer la dynamique qui animait la capitale et poursuivre la lutte dans nos villes, confient les deux jeunes femmes. Demain matin, les lycéens vont voir le collage en arrivant, ça va permettre de les faire réagir et de discuter du sujet tout au long de la journée. » En quelques mois, le groupe qui compte aujourd’hui 47 militant·e·s œuvrant à tour de rôle dans secteur nord du Val-

d’Oise a ciblé des lieux stratégiques pour coller et faire passer leurs messages. Des messages de sensibilisation contre les violences faites aux femmes, contre les discriminations en tout genre mais aussi dénonçant des faits d’actualité. Une action Ouïgour.e.s a par exemple été menée aux sièges des entreprises Land Rover et General Motors à Argenteuil et Colombes dont le collectif dénonce la participation au génocide ouighour. Le planning familial de Cergy est lui-aussi passé sous le coup des brosses à encoller pour dénoncer sa fermeture il y a neuf mois.
Ouvrir le débat
Les colleur·euse·s visent également les endroits où le sexisme, les discriminations et violences sont devenues monnaie courante, la rue en premier lieu. Mais aussi les abords des établissements scolaires et universitaires. « Ce sont des lieux privilégiés car il y a un très large public qui passe devant, constatent les militant·e·s. Cela permet d’ouvrir le débat entre les étudiants, d’ouvrir la conversation sur des sujets qui ne sont pas forcément abordés dans leurs cercles familiaux et de connaissances. » Coller aurait également pour certain·e·s un effet thérapeutique.
Axelle BICHON