Mehdi Charef, enfant des bidonvilles de Nanterre

Arrivé à Nanterre en 1962 pour fuir l’Algérie, Mehdi Charef a trouvé le salut dans l’écriture. Connu pour ses romans et ses films, cet Adamois a rassemblé ses souvenirs d’enfance vécue dans les baraquements de Nanterre dans Rue des Pâquerettes. Ce récit autobiographique poignant paru aux éditions Hors d’atteinte est disponible en librairies depuis le mois dernier.

Mehdi Charef lors d’un café littéraire (Valmondois – février 2018). ©Axelle Bichon

Parvenu en France en 1962, Mehdi Charef, aujourd’hui écrivain, scénariste et réalisateur installé à l’Isle-Adam, fait partie de la première génération d’enfants d’immigrés algériens à rejoindre leur famille cette année qui marque la fin la guerre d’indépendance de son pays natal. A son arrivée, il n’a que 10 ans et découvre alors la France au travers des baraquements de bidonvilles à Nanterre, entre la tôle, les parpaings et le goudron brûlant, puis des cités de transit après la démolition des campements improvisés.

Baraquements

C’est dans ce décor précaire et changeant que Mehdi apprend également ce qu’est l’école. « C’était dur pour nous. A chaque fois, je devais rattraper mon retard car j’étais nul, je me rappelle qu’un professeur nous lisait des contes et m’a fait comprendre que lire et écrire pourrait nous sauver. » Chose extraordinaire, deux ans à peine après son arrivée en France, le jeune Mehdi fait un « zéro faute » à la dictée de fin d’année. A partir de ce jour, la passion de l’écriture le happe, lui donne un moyen d’expression, une sorte d’échappatoire pour sortir de la torpeur des bidonvilles. « Quand on écrit, on s’offre au lecteur qui se donne également à nous, c’est un échange, un partage pour ne pas oublier… ne pas oublier d’où l’on vient », souligne l’auteur. Fils d’ouvriers, Mehdi Charef travaille lui-même en usine comme affûteur pendant treize ans jusqu’en 1983.

Premiers succès

C’est durant cette période qu’il aiguise son style d’écriture et écrit son premier roman Le Thé au harem d’Archi Ahmed sorti en 1983 et dont il fera l’adaptation cinématographique deux ans plus tard. Premier ouvrage et premier film d’une longue liste de réalisations romanesques, théâtrales et filmographiques car le roman rencontre un succès immédiat. A sa sortie, Le Thé au harem d’Archi Ahmed touche et remporte le Prix de la jeunesse au Festival de Cannes, le Prix Jean-Vigo et le Prix spécial du jury du Festival international du film de Chicago en 1985, le César du meilleur premier film l’année suivante ainsi que le Prix SOS Racisme et le Prix du meilleur film au festival de Madrid. Pas sûr que les immigrés d’aujourd’hui aient l’opportunité d’un tel parcours.

« Pour travailler, il faut avoir des papiers et pour les obtenir, il faut avoir un logement »

Les mouvements de population massifs auxquels l’Europe fait face aujourd’hui n’ont rien à voir avec les vagues d’immigration d’hier. Mehdi Charef s’en souvient, à son époque, l’immigré ne posait pas de problème tant qu’il travaillait. « On a fait venir nos parents en France pour travailler donc on nous tolérait », souligne l’auteur.

Rue des Pâquerettes de Mehdi Charef, paru aux éditions Hors d’atteinte. Couverture : Monique Hervo

A l’époque où il arrive en France, les conditions de vie n’étaient pas plus charmantes que celles d’un migrant syrien de nos jours. Cependant, le regard et la tolérance de l’autre n’étaient pas les mêmes. « Pour qu’ils puissent s’insérer et contribuer à la vie en France comme nous le faisions, il faudrait déjà qu’ils puissent travailler. Pour cela, il faut avoir des papiers et pour les obtenir, il faut avoir un logement », dénonce Mehdi Charef qui se rappelle des cartes de résidences dont bénéficiaient les immigrés dans les années 1960.

Après quatre romans, une pièce de théâtre et onze films, Mehdi Charef s’est ainsi consacré à l’écriture de ses mémoires autour de son enfance dans la banlieue parisienne, les bidonvilles, les cités de transit, sa famille… Une histoire à ressentir et à redécouvrir.

Axelle BICHON